Les signaux et le bruit : Moment macroéconomique

Comment une récession est-elle possible avec un marché de l’emploi aussi robuste? À cause de certains indicateurs avancés de croissance préoccupants. Par ailleurs, nous croyons que l’importance du pétrole dans l’inflation donnera un peu de répit à l’indice des prix à la consommation à l’avenir. Enfin, nous remarquons que l’aversion des banques centrales aux hausses de taux pourrait donner lieu à davantage de baisses plus tard.

Indicateurs avancés, indicateurs retardés et prévisions sur la récession

« Pourquoi parler de récession au vu de la solidité du marché de l’emploi américain? »

Voilà la question qui nous est posée tous les jours. Et c’est une excellente question. Chaque mois, des centaines de milliers d’emplois sont créés aux États-Unis. Il y a en outre près d’un million d’offres d’emploi, et les entreprises continuent de déplorer des difficultés quasi records à pourvoir des postes vacants. Comment pouvons-nous – ainsi que la majorité des économistes1entrevoir une récession dans une telle conjoncture? Nous répondrons simplement qu’un économiste n’a pas pour tâche de nous dire où nous nous situons à l’heure actuelle, mais plutôt de nous expliquer où nous allons. Pour ce faire, nous subdivisons nos données en indicateurs avancés (« l’avenir »), indicateurs dans les temps (« le présent ») et indicateurs à la traîne (« le passé »). Nous avons testé certaines des données économiques les plus utilisées et avons constaté une tendance préoccupante : bien que les indicateurs retardés, comme la croissance de l’emploi, demeurent fermement en territoire positif, les indicateurs les plus utiles pour savoir où en sera l’économie d’ici 6 à 12 mois sont au rouge, et même au rouge foncé pour la plupart.

De même, nous estimons qu’il faut raisonnablement s’attendre à ce que les décalages traditionnels entre la croissance de l’emploi et l’économie (alors que les licenciements constituent la dernière tuile lors d’une récession) soient encore plus marqués à notre époque postérieure à la COVID-19. Les pénuries de main-d’œuvre sont réelles et peu susceptibles d’être résolues à court terme. En raison des difficultés des sociétés à l’embauche, nous prévoyons qu’elles seront encore plus prudentes en matière de licenciement. C’est également l’une des raisons pour lesquelles nous examinons des données sur l’emploi plus larges (et plus précises), dont le nombre d’heures travaillées, plutôt que le taux de chômage uniquement. 

Lorsque nous assemblons les pièces du puzzle, nous voyons toujours une possibilité marquée de récession aux États-Unis au quatrième trimestre de 2023, suivie de baisses de taux potentielles de la Réserve fédérale en conséquence.

Les signaux (et le bruit)

Indicateurs économiques, États-Unis

Tableau des indicateurs économiques avancés, coïncidents et retardés. La plupart des indicateurs avancés clignotent en rouge, signe d'une période négative à venir.

Source : Gestion de placements Manuvie, au 6 mars 2023. Le rouge est un signal clairement négatif, le jaune, un signal de détérioration, tandis que le vert est un signal de vigueur persistante. C&I désigne les prêts commerciaux et industriels. ISM désigne l’Institute for Supply Management.

 

Après le sommet inflationniste, un certain répit des cours du pétrole

Bonne nouvelle : l’inflation aux États-Unis est très nettement au-delà de son sommet de l’année dernière. Après une augmentation quasi record de 9,1 % sur 12 mois en juin 2022, l’indice des prix à la consommation (IPC) a chuté au cours de neuf mois consécutifs pour s’établir maintenant à 5 % par rapport à l’année dernière. Nous prévoyons que cette dernière tendance prévaudra et que l’IPC des États-Unis se chiffrera autour de 3,5 % à la fin de l’année. Il y a toutefois des préoccupations concernant la stagnation de la baisse de l’inflation, malgré les hausses de taux de certaines banques centrales. À titre d’exemple, lors de sa réunion d’avril, la Banque du Canada a indiqué qu’il sera difficile d’amener l’inflation à son taux cible de 2 %. Somme toute, les banques centrales savent pertinemment que les difficultés de la chaîne d’approvisionnement sont pour la plupart chose du passé et que la croissance des salaires continue sa flambée. L’inflation des services, qui tend à persister davantage, ne montre aucun signe de ralentissement dans les principaux marchés établis.

Voici une raison pour laquelle nous sommes rassurés par notre prévision voulant que l’inflation continuera sa descente par rapport à l’année dernière, même au vu de l’incertitude de certains facteurs : les effets de base des faibles prix de l’énergie sont très marquants. Il y a un an, le cours pétrolier de West Texas Intermediate (WTI) a grimpé à plus de 100 $ le baril (comparativement à moins de 40 $ au début de 2020). Il s’est maintenant stabilisé autour de 80 $, soit environ 20 % de moins que son sommet de 2022. Selon le consensus, le cours de WTI devrait se stabiliser autour de 85 à 90 $ le baril, ce qui serait cohérent avec le recul de l’inflation à 2 % à la fin de 2024. Étonnamment, afin d’empêcher le recul continu de l’inflation par rapport à son niveau actuel, nous devons intégrer dans nos modèles un baril de pétrole à 120 $ pour le reste de 2023 et jusqu’en 2024. De plus, si nous intégrons un cours pétrolier baissier (d’environ 60 $ le baril pour l’an prochain), le taux d’inflation tombe sous les 2 % à la fin du deuxième trimestre. Donc, de tous les facteurs exerçant des pressions sur les prix, notamment les salaires, la chaîne d’approvisionnement et la géopolitique, ce sont les prix du pétrole qui constituent la principale source à ce chapitre. Et tous les indicateurs révèlent que le secteur de l’énergie demeure le principal frein à l’inflation. 

La dépendance marquée de l’inflation aux cours pétroliers

Indice des prix à la consommation (IPC) réel et prévu selon divers scénarios de cours pétroliers (variation en % par rapport à l’année dernière)

Graphique linéaire de l'IPC réel et prévisionnel selon différents scénarios de prix du pétrole. Il montre que l'IPC resterait élevé dans un scénario pétrolier haussier par rapport au scénario de base et au scénario baissier.

Source : Gestion de placements Manuvie, au 13 avril 2023. Les lignes pointillées représentent les prévisions. Le scénario de base représente le cours du pétrole WTI à 90 $ le baril, tandis que les scénarios baissier et haussier le représentent à 60 $ et 120 $ le baril, respectivement. Aucune prévision n'est garantie.

 

Taux d’intérêt : ce qui monte doit redescendre

Du fait des incertitudes récentes du marché, du stress bancaire en passant par le déconfinement de la Chine, une question continue de nous tracasser : les banques centrales répondront-elles de la même façon que lors des cycles antérieurs à la prochaine récession (prévue)? La réponse monétaire traditionnelle consiste à lutter contre la faiblesse économique à l’aide de baisses de taux d’intérêt afin de soutenir la croissance, réduire le chômage et relancer le crédit. Il est vrai que les marchés ont historiquement connu une reprise à la faveur d’un assouplissement des taux d’intérêt par les banques centrales, de sorte que contre toute attente, une récession et une réaction des banques centrales « ordinaires » ne seraient peut-être pas aussi défavorables qu’elles le semblent.

Et si cette fois les choses étaient différentes? Les grandes banques centrales ont toutes annoncé une croissance très faible (correspondant plus ou moins à une récession) et une augmentation du chômage dans leurs prévisions officielles. Toutefois, elles précisent qu’elles privilégient les hausses de taux futures étant donné que l’inflation demeure élevée. Et d’une certaine manière, cette approche est sensée. Après tout, l’inflation dépasse largement la cible dans la plupart des économies occidentales et au vu de l’importante pénurie de main-d’œuvre qui sévit, les banques centrales pourraient voir un taux de chômage élevé comme une caractéristique plutôt qu’une anomalie.

Nous nous bornons à énoncer ce que les banques centrales pourraient faire, et non ce que nous croyons qu’elles devraient faire. C’est pourquoi nous intégrons d’autres hausses de taux de la Banque centrale européenne, de la Banque d’Angleterre et de la Réserve fédérale dans nos prévisions. Et même si nous n’entrevoyons pas de redressements prochains des taux d’intérêt de la Banque du Canada, il s’agit néanmoins d’une forte possibilité. Au fur et à mesure où, selon nos modèles, ces hausses de taux supplémentaires affectent les économies, nous constatons que tout redressement aboutira à une réduction corrélative ou importante des taux en 2024. En d’autres termes, ce qui monte doit redescendre.

Bien entendu, nous devons également évaluer l’exposition de nos perspectives au risque. Et s’il faut croire les banques centrales sur parole, nous devons également tenir compte d’un environnement où l’on met la barre plus haute que par le passé concernant les baisses de taux d’intérêt. Et bien que les hausses de taux semblent peu probables, les baisses de taux ne surviendront peut-être pas aussi rapidement que nous l’espérons ou que le laissent entrevoir nos modèles.

Taux directeurs des principales banques centrales (en %)

Diagramme à barres des taux directeurs et des prévisions de cinq banques centrales. La banque la plus optimiste est la BCE, tandis que la plus pessimiste est la Banque du Japon.

Source : Gestion de placements Manuvie et les banques centrales concernées : Manulife Investment Management et les banques centrales concernées, au 16 avril 2023. Aucune prévision n'est garantie.

 

 

1 La prévision probabiliste de récession aux États-Unis de Bloomberg, qui est une moyenne des prévisions des économistes participants, se situe à 65 % au moment de la rédaction du présent bulletin.

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Frances Donald

Frances Donald, 

Ancienne économiste en chef, Monde et stratège

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Erica Camilleri , CFA

Erica Camilleri , CFA, 

Analyste principale macroéconomique mondiale, équipe Solutions multiactifs

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