Erreurs fréquentes en planification successorale au Québec
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Chaque année, au Canada, des éléments d’actif valant des milliards de dollars sont transmis au décès. Si on veut transmettre tout ou partie de ses biens à ses héritiers, on doit s’assurer qu’ils seront dévolus aux bonnes personnes et de la bonne façon. Malheureusement, le transfert du patrimoine ne se déroule pas toujours comme prévu. Cet article présente quelques-unes des erreurs fréquentes en matière de transfert du patrimoine.
Absence de testament
Une erreur élémentaire et très fréquente est l’absence de testament. En faisant un testament, vous indiquez vos dernières volontés et la manière vos actifs seront distribués à votre décès. Sans testament, vos biens seront distribués selon les dispositions du Code civil du Québec en matière de dévolution successorale. Un testament permet la liquidation de votre succession et peut s’inscrire dans une planification fiscale visant à réduire les impôts au décès. Il vous donne en outre l’occasion de désigner le liquidateur de votre succession, votre fiduciaire testamentaire ainsi que les tuteurs de vos enfants mineurs.
Erreurs de rédaction du testament
On ne saurait trop insister sur l’importance d’un testament bien rédigé. Nous attirons votre attention sur quelques points.
Si vous envisagez de faire un testament à la main (testament olographe) ou un testament fait en présence de témoins, soyez sur vos gardes. Souvent, les instructions du testateur risquent d’être difficiles à interpréter ou ne respectent pas les exigences du Code civil du Québec. Cela peut avoir pour effet de rendre le testament invalide ou d’augmenter les frais de liquidation de la succession et de retarder la distribution des biens. Un testament rédigé par un conseiller juridique est toujours préférable à un testament olographe ou à un testament fait en présence de témoins. De plus, un résident du Québec qui dispose d’un testament notarié pourra éviter des frais et des retards importants lors du règlement de sa succession parce que ce type de testament n’a pas à être homologué par la Cour supérieure.
Si vous indiquez dans votre testament que vous souhaitez faire un don, mais que vous laissez au liquidateur le soin de choisir un organisme de bienfaisance ou le montant du legs, les héritiers pourraient s’opposer au don. Cette situation pourrait créer des tensions entre les héritiers et le liquidateur. Cela est particulièrement vrai si le don réduit l’héritage d’un héritier ou si les intentions philanthropiques du testateur ne font pas l’unanimité.
Au Québec, le mariage ou l’union civile n’ont pas pour effet de révoquer le testament préexistant. Cependant, un divorce ou une annulation du mariage (mais pas une simple séparation de corps), ou la dissolution d’une union civile, entraîne une annulation de tout legs en faveur de l’ex-conjoint ainsi que l’annulation de la désignation du conjoint à titre de liquidateur de la succession, lorsque cette désignation a eu lieu avant la date du divorce, de l’annulation ou de la dissolution.
Les dons et les héritages à l’un des conjoints, avant ou pendant l’union maritale ou l’union civile, sont exclus du patrimoine familial et, en cas de rupture du mariage ou de l’union civile, ils ne seront pas pris en compte lors du partage. Pendant la durée du mariage ou de l’union civile, le revenu provenant d’un héritage ou d’un don peut également être exclu du patrimoine familial et du régime matrimonial. L’exclusion risque toutefois d’être compromise si le donataire ou l’héritier affecte les biens au profit de la famille ou les réunit avec d’autres biens familiaux de sorte qu’ils ne peuvent plus être retracés. Une attention particulière doit être portée à la rédaction du testament en ce qui concerne ses effets éventuels sur le patrimoine familial et, plus particulièrement, sur les autres régimes matrimoniaux.
Traitement inégal de bénéficiaires égaux
Souvent, quand on prévoit le partage de ses biens, on veut les répartir également entre ses bénéficiaires – par exemple, ses enfants. Cependant, si on ne tient pas compte des conséquences fiscales, les parts transmises ne seront peut-être pas égales.
Supposons que vous ayez trois enfants et que vous possédiez trois biens valant un million de dollars chacun : un régime enregistré d’épargne-retraite (REER), une maison et un portefeuille de fonds communs de placement non enregistrés. Vous désignez votre aîné comme bénéficiaire de votre REER (en présumant que votre REER permet de désigner un bénéficiaire), puis, dans votre testament, vous léguez la maison au deuxième de vos enfants, et le reste de la succession, soit les fonds communs de placement, au troisième. Vous croyez avoir légué un million de dollars à chacun de vos enfants, mais, en réalité, la part de l’enfant qui est le légataire de vos fonds communs de placement sera réduite en raison des impôts à payer après votre décès sur vos REER et vos fonds communs1. En présumant un taux d’imposition effectif de 40 %, votre succession paiera 400 000 $ d’impôts sur vos REER, en plus des impôts, que nous estimerons à 100 000 $, sur la disposition présumée des fonds communs de placement. Votre troisième enfant, responsable des dettes de la succession, ne recevra donc que 500 000 $, contre un million de dollars pour chacun des deux autres, ce qui ne correspond pas à vos volontés.
Points touchant le conjoint
Il est également fréquent que l’on néglige d’envisager les conséquences fiscales d’un second mariage, d’une séparation ou d’un divorce. Vous désignez par exemple votre nouveau conjoint comme bénéficiaire de votre REER ou de votre fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) pour assurer sa subsistance après votre décès, en supposant que votre REER ou FERR est investi dans un produit qui permet la désignation de bénéficiaire. Vous désignez vos enfants (peut-être issus d’un mariage précédent) bénéficiaires du reste de vos biens. Vous présumez que votre conjoint transférera votre REER ou votre FERR dans son REER ou son FERR et qu’il paiera l’impôt sur les retraits effectués. Mais que se passe-t-il si ce n’est pas le cas? Au lieu de cela, comme votre conjoint est aussi le liquidateur, il prend simplement l’argent. Dans ce cas, votre succession devra payer l’impôt sur le REER ou le FERR, ce qui reviendra à réduire l’héritage de vos enfants.
Dans ces circonstances, vous pouvez utiliser deux stratégies pour éviter une telle situation :
- Le liquidateur de la succession peut décider unilatéralement de déduire le montant provenant du REER ou du FERR dans la déclaration de revenus finale du défunt. Cela limite le fardeau fiscal de la succession, et il revient au conjoint survivant d’inclure le revenu dans sa déclaration. Vous pourriez devoir choisir une personne autre que votre conjoint à titre de liquidateur, ou vous pourriez demander à votre liquidateur de faire un choix unilatéral (vous pourriez demander à votre notaire de rédiger une disposition à cet égard dans le testament).
- Si vous avez un FERR et si le contrat le permet, envisagez de désigner Si vous avez un FERR et si le contrat le permet, envisagez de désigner votre conjoint comme rentier remplaçant (ou « rentier successeur ») ou titulaire subrogé. À votre décès, votre FERR sera transmis d’office à votre conjoint avec imposition différée, de sorte que l’impôt ne sera pas à la charge de vos ayants droit. Dans le cas d’un second mariage, si vous voulez prévoir un revenu régulier pour votre conjoint tout en vous assurant qu’à son décès le solde de votre FERR sera transmis à vos enfants.
Omission de mettre à jour les désignations de bénéficiaire
Lors d’un événement marquant – comme une naissance, un décès, un mariage, une séparation ou un divorce – on songe généralement à revoir et à mettre à jour son testament en conséquence, mais il peut arriver qu’on néglige de revoir ses désignations de bénéficiaire. Revoyez votre testament et vos désignations de bénéficiaire pour vous assurer qu’ils demeurent conformes à vos volontés. Il est fréquent qu’on néglige de le faire et que les tribunaux soient appelés à trancher la question.
Bénéficiaires mineurs
Il est important de tenir compte de l’âge des personnes nommées bénéficiaires. Bien qu’il y ait des exceptions, n’oubliez pas qu’un enfant mineur n’a généralement pas la capacité juridique de conclure un contrat. Jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de la majorité, les mineurs seront représentés par leurs parents agissant à titre de tuteur2. De plus, une fois qu’ils atteindront l’âge de la majorité, ils auront droit aux fonds, sans aucune restriction, sauf indication contraire de votre part.
La désignation d’un mineur comme bénéficiaire irrévocable est encore plus lourde de conséquences et devrait presque toujours être évitée. Lorsqu’on nomme un bénéficiaire irrévocable, on doit obtenir son consentement pour effectuer des opérations au titre du contrat. Cependant, un mineur ne peut pas donner son consentement avant d’atteindre l’âge de la majorité; dans l’intervalle, le contrat est, pour ainsi dire, gelé. En outre, un capital-décès versé à un mineur sera administré par son tuteur.
On peut aussi créer une fiducie qui recevra les fonds au nom de l’enfant mineur. De plus, dans un testament simple, des pouvoirs élargis peuvent être accordés au liquidateur de la succession. Les termes d’un tel document peuvent stipuler comment vous voulez que les fonds soient placés et les dates auxquelles des paiements devront être effectués au profit du mineur. Si l’enfant est invalide, la fiducie pourrait être admissible à titre de fiducie testamentaire et bénéficier de taux d’imposition progressifs3.
Paiement unique à des bénéficiaires majeurs
Parfois, il n’est pas judicieux de prévoir un paiement unique à un bénéficiaire majeur. Ce pourrait être le cas s’il est financièrement irresponsable et risque de dépenser de façon inconsidérée, ou s’il est handicapé et risque de perdre son droit aux prestations d’invalidité des régimes publics. Une option de règlement sous forme de rente ou une fiducie testamentaire pourrait alors être plus appropriée.
Omission de nommer un bénéficiaire ou désignation de ses ayants droit comme bénéficiaires
La désignation d’un bénéficiaire au titre d’un placement assorti d’une garantie d’assurance (comme un contrat de fonds distincts) pourra faire épargner temps et argent. Cependant, la désignation d’un bénéficiaire pourra également entraîner des enjeux fiscaux qui devront être bien compris et considérés dans une planification générale. Ces enjeux se posent quand le bénéficiaire du contrat est différent des ayants droit de la succession.
Il existe des raisons précises pour vouloir qu’un bien soit inclus dans une succession, dont l’utilisation de pertes ou de déductions fiscales ou l’application d’instructions spéciales figurant dans un testament. Si vous souhaitez léguer un bien à une personne ayant besoin de supervision, comme un jeune enfant, et laisser des instructions relatives à l’utilisation de ce bien ou au moment opportun pour sa transmission, vous devriez envisager de nommer la succession comme bénéficiaire, rédiger un testament couvrant adéquatement ces enjeux et désigner une personne fiable comme administrateur du legs.
Cependant, la transmission de biens par l’entremise de votre succession peut exposer ces biens aux réclamations des créanciers de la succession et donner lieu à certains frais d’administration. Il existe également une possibilité que votre testament ou le règlement de la succession soit contesté devant les tribunaux et que l’actif soit immobilisé jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu. Quand un bénéficiaire a été désigné, le bien est normalement exclu de votre succession, ce qui le met à l’abri des créanciers de votre succession. De plus, si une désignation de bénéficiaire appropriée est faite4, ou si sa désignation est irrévocable (avec tous les risques que cela comporte), un contrat de placement assorti d’une garantie d’assurance vous procure une protection éventuelle contre les créanciers de votre vivant.
Reçus inutilisés de dons caritatifs
Si vous prévoyez faire un don caritatif considérable à votre décès, assurez-vous que vos ayants droit pourront utiliser la totalité du reçu. Il est possible qu’un reçu pour don de bienfaisance ne puisse être utilisé en totalité, même si la limite au décès correspond à 100 % du revenu net du donateur dans l’année du décès et l’année précédente. Le risque d’un crédit d’impôt inutilisé pour don de bienfaisance est plus important si le don est énorme par rapport au revenu annuel du donateur et si celui-ci décède tôt au cours de l’année civile ou nomme un organisme caritatif bénéficiaire de son contrat de placement non enregistré ou de son contrat d’assurance vie. En général, léguer le produit d’un REER ou d’un FERR à un organisme caritatif ne pose pas problème, car le reçu de bienfaisance peut servir à contrebalancer l’impôt sur le revenu provenant du REER ou du FERR. De plus, si votre conjoint a un revenu suffisant, il peut recourir, pendant les cinq années suivant l’année du décès, aux reçus de bienfaisance inutilisés.
Si vous craignez que des reçus de bienfaisance ne puissent être utilisés à votre décès, envisagez de faire des dons caritatifs de votre vivant et de réduire ainsi vos impôts dès maintenant.
Candidats idéals
Les particuliers qui veulent :
- transmettre des biens à leurs héritiers;
- veiller à ce que leurs actifs soient distribués selon leurs volontés;
- éviter de commettre l’une des erreurs fréquentes exposées plus haut.
Mesures à prendre
Si vous répondez à cette définition :
- Faites rédiger un testament par un notaire ou un conseiller juridique si ce n’est pas déjà fait.
- Revoyez votre plan successoral, y compris votre testament, vos désignations de bénéficiaires et vos biens détenus en copropriété, avec votre conseiller fiscal ou juridique.
- Revoyez votre testament et vos désignations de bénéficiaires régulièrement et après chaque événement marquant, pour vous assurer qu’ils correspondent encore à vos volontés, et modifiez-les ou mettez-les à jour au besoin.
1 On suppose que la maison est une résidence principale et peut, par conséquent, être transférée en franchise d’impôt. 2 Si le dernier parent survivant est dans l’incapacité d’agir ou décède sans avoir désigné un tuteur dans son testament, un conseil de famille approuvé par le tribunal nommera un tel tuteur. 3 Au Québec, les bénéficiaires qui répondent à cette définition sont le conjoint, marié ou uni civilement, ainsi que les descendants et ascendants du titulaire.
Renseignements importants
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